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ET VIRGINIE

voir que son ame commençoit à reprendre ses fonctions naturelles. Domingue et moi nous nous mîmes à genoux à son exemple, et nous priâmes avec lui. Ensuite il se leva, et prit sa route vers le nord de l’isle, sans faire beaucoup d’attention à nous. Comme je savois qu’il ignoroit non seulement où on avoit déposé le corps de Virginie, mais même s’il avoit été retiré de la mer, je lui demandai pourquoi il avoit été prier Dieu au pied de ces bambous : il me répondit, « Nous y avons été si souvent ! »

Il continua sa route jusqu’à l’entrée de la forêt, où la nuit nous surprit. Là je l’engageai, par mon exemple, à prendre quelque nourriture ; ensuite nous dormîmes sur l’herbe au pied d’un arbre. Le lendemain je crus qu’il se détermineroit à revenir sur ses pas. En effet il regarda quelque temps dans la plaine l’église des Pamplemousses avec ses longues avenues de bambous, et il fit quelques mouvements comme pour y retourner ; mais il s’enfonça brusquement dans la forêt, en dirigeant toujours sa route vers le nord. Je pénétrai son intention, et je m’efforçai en vain de l’en distraire. Nous arrivâmes sur le milieu du jour au quartier de la