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PAUL

d’habitations. L’élévation du sol y permettoit en plusieurs lieux la culture de diverses especes de végétaux de l’Europe. On y voyoit çà et là des moissons de bled dans la plaine, des tapis de fraisiers dans les éclaircis des bois, et des haies de rosiers le long des routes. La fraîcheur de l’air, en donnant de la tension aux nerfs, y étoit même favorable à la santé des blancs. De ces hauteurs, situées vers le milieu de l’isle, et entourées de grands bois, on n’appercevoit ni la mer, ni le Port-Louis, ni l’église des Pamplemousses, ni rien qui pût rappeler à Paul le souvenir de Virginie. Les montagnes mêmes, qui présentent différentes branches du côté du Port-Louis, n’offrent plus du côté des plaines de Williams qu’un long promontoire en ligne droite et perpendiculaire, d’où s’élevent plusieurs longues pyramides de rochers où se rassemblent les nuages.

Ce fut donc dans ces plaines où je conduisis Paul. Je le tenois sans cesse en action, marchant avec lui au soleil et à la pluie, de jour et de nuit, l’égarant exprès dans les bois, les défrichés, les champs, afin de distraire son esprit par la fatigue de son corps, et de donner le change à ses réflexions par l’ignorance du