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PAUL

fut trouvée ensevelie dans le sable ; comme si la mer eût voulu rapporter son corps à sa famille, et rendre les derniers devoirs à sa pudeur sur les mêmes rivages qu’elle avoit honorés de son innocence.

Jeunes gens si tendrement unis ! meres infortunées ! chere famille ! ces bois qui vous donnoient leurs ombrages, ces fontaines qui couloient pour vous, ces coteaux où vous reposiez ensemble, déplorent encore votre perte. Nul depuis vous n’a osé cultiver cette terre désolée, ni relever ces humbles cabanes. Vos chevres sont devenues sauvages ; vos vergers sont détruits ; vos oiseaux sont enfuis, et on n’entend plus que les cris des éperviers qui volent en rond au haut de ce bassin de rochers. Pour moi, depuis que je ne vous vois plus, je suis comme un ami qui n’a plus d’amis, comme un pere qui a perdu ses enfants, comme un voyageur qui erre sur la terre, où je suis resté seul.

En disant ces mots ce bon vieillard s’éloigna en versant des larmes, et les miennes avoient coulé plus d’une fois pendant ce funeste récit.


FIN