Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/73

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Celui du nord creusa d’abord les contours de cet immense canal où l’Atlantique, semblable à un fleuve, renferme aujourd’hui ses eaux et les verse deux fois par jour entre l’ancien et le nouveau monde. Celui du sud, au contraire, descendant d’un seul glacier, placé au sein du vaste océan de son hémisphere, et faisant équilibre avec la plus grande partie des continents opposés, versa une seule fois par jour sur leurs rivages ses flots divergents dans le même temps et du même côté que le soleil en embrasoit le pole de ses rayons. Les torrents demi-glacés qui s’en précipiterent découperent alors les côtes de l’ancien monde en nombreux archipels, en vastes baies, et en longs promontoires.

Le globe est un vaisseau céleste, sphérique, sans proue et sans pouppe, propre à voguer, dans tous les sens, dans toute l’étendue des cieux. Le soleil en est l’aimant et le cœur ; l’océan est le sang dont la circulation le rend mobile. L’astre du jour en opere le sistole et le diastole, le flux et le reflux, par sa présence et son absence, par le jour et la nuit, par l’été et l’hiver, par les mers fluides et glaciales. Les poles du globe changent avec les siecles par les diverses pondérations de ses océans glacés. Il a été un temps où ceux qu’il a aujourd’hui dans notre méridien étoient dans notre équateur ; où nos zônes torrides étoient projettées dans nos zônes tempérées et glaciales, et celles-ci dans nos torrides ; où les hivers régnoient sur