Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( lxix )

point dans des tribunes pour faire tonner les lois. Ce fut dans leurs bras qu’elles firent goûter aux hommes le bonheur d’être tour-à-tour, dans le cercle de la vie, enfants heureux, amants fideles, époux constants, peres vertueux. Elles poserent les premieres bases des lois naturelles. La premiere fondatrice d’une société humaine fut une mere de famille. En vain un législateur, un livre à la main, déclara de la part du ciel que la nature étoit dénaturée, qu’elle étoit odieuse même à son auteur : elles se montrerent avec leurs charmes, et le fanatique tomba à leurs pieds.

Ce fut autour d’elles que, dans l’origine, les hommes errants se rassemblerent et se fixerent. Les géographes et les historiens ne les ont point classées en castes et en tribus. Ils n’en ont point fait des portions de monarchies ou de républiques. Les hommes naissent asiatiques, européens, français, anglais ; ils sont cultivateurs, marchands, soldats ; mais par tout pays les femmes naissent, vivent, et meurent femmes. Elles ont d’autres devoirs, d’autres occupations, d’autres destinées que les hommes. Elles sont disséminées parmi eux pour leur rappeler sur-tout qu’ils sont hommes ; et maintenir, malgré les lois politiques, les lois fondamentales de la nature. Semblables à ces vents harmoniés avec les rayons du soleil, ou avec leur absence, qui varient les températures des pays qu’ils fécondent en les réchauffant, ou les rafraîchissant de leurs haleines, on ne peut les circonscrire dans