Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/108

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une sortie rapide et dansante. Elles voulurent me faire prendre quelque chose chez le pâtissier, je refusai. Nous montâmes en voiture. Oh ! j’aurais voulu la pousser, cette voiture.

Sur toutes les façades des boutiques, je lisais : « Je suis reçue ! »

Quand la voiture stationnait pendant un embarras quelconque, il me semblait que les gens me regardaient, étonnés, et je me surpris hochant la tête pour dire : « Oui, oui, c’est vrai, je suis reçue ! »

Je ne pensais plus au couvent. Je ne ressentais qu’un sentiment d’orgueil d’avoir réussi dans la première tentative entreprise. Tentative dont le succès ne dépendait que de moi seule.

Il me semblait que le cocher n’arriverait jamais au 265 de la rue Saint-Honoré. Je sortais sans cesse ma tête par la portière, et je disais : « Plus vite, s’il vous plait, plus vite, cocher ! »

Enfin, nous arrivâmes à la maison, je sautai de la voiture pour arriver vite et crier la bonne nouvelle à maman. Je fus arrêtée par la fille de la concierge qui était corsetière et travaillait dans une petite mansarde qui donnait en face de la fenêtre de la salle à manger dans laquelle je prenais mes leçons avec mon institutrice, de sorte que, malgré moi, mes yeux rencontraient sans cesse son minois roussâtre et éveillé. Je ne lui avais jamais parlé, mais je savais qui elle était. « Eh bien, Mademoiselle Sarah, êtes-vous contente ? — Oui, oui, je suis reçue ! » Et je m’arrêtai une seconde, ne pouvant résister à l’étonnement joyeux de toute la gent portière.

Cependant, je me dérobai pour courir chez maman, quand je fus clouée sur place en pénétrant dans la