Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/157

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nhardt soit insuffisante, ce n’est pas une affaire. Elle débute, et il est tout naturel que parmi les débutants qu’on nous présente, il y en ait qui ne réussissent point ; il faut en essayer plusieurs avant d’en trouver un bon ; mais ce qui est triste, c’est que les comédiens qui l’entouraient ne valaient pas beaucoup mieux qu’elle. Et ce sont des sociétaires ! Ils n’avaient par-dessus leur jeune camarade qu’une plus grande habitude des planches ; ils sont aujourd’hui ce que pourra être Mlle Bernhardt dans vingt ans si elle se maintient à la Comédie-Française.

Je ne m’y maintins pas.

En effet, un de ces riens qui décident d’une vie décida certainement de la mienne.

J’étais entrée à la Comédie pour y rester toujours. J’avais entendu mon parrain expliquer à ma mère les diverses étapes de ma carrière : la petite touchera tant… les cinq premières années, tant… après, et enfin, au bout de trente ans, elle aura la pension de sociétaire, si elle le devient, ce dont il semblait douter.


Ma sœur Régina fut encore la cause, mais involontaire cette fois, du petit drame qui me fit quitter la Comédie.

C’était l’anniversaire de Molière ; et tous les artistes de la grande Maison devaient, selon la tradition, venir saluer le buste du génial écrivain. — C’était la première fois que je paraissais à une cérémonie ; et ma jeune sœur, qui m’avait entendu parler de cela à la maison, m’avait suppliée de l’emmener. J’obtins la permission de maman, qui nous adjoignit notre vieille Marguerite.

Toute la Comédie était réunie dans le foyer : hommes