Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/177

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Courageuse, Caroline, éveillée en sursaut, s’était précipitée vers la fenêtre qu’elle ouvrit, criant : « Au feu ! Au voleur ! Au… tout !… »

L’homme avait disparu, la maison fut envahie par la police ; et je vous laisse à penser ce qu’était la police d’Alicante il y a quarante ans.

Je répondis aux questions qui me furent posées par un Hongrois qui était vice-consul et qui parlait français. J’avais vu l’homme. Il avait la tête coiffée d’un foulard ; il avait de la barbe et un poncho sur l’épaule ; je ne savais rien de plus.

Ce vice-consul hongrois, qui, je crois, représentait la France, l’Autriche et la Hongrie, me demanda la couleur de la barbe, du foulard et du poncho de ce brigand.

Mais il faisait trop sombre pour que j’aie pu distinguer au juste les couleurs.

Le brave homme se montra fort irrité de cette réponse. Après avoir pris des notes, il resta pensif un moment et donna l’ordre d’aller chez lui porter un mot. Il priait sa femme d’envoyer sa voiture et de préparer une chambre pour recevoir une jeune étrangère dans l’embarras.

Je pris mes dispositions pour le suivre ; et, après avoir réglé avec l’hôtelière, nous partîmes dans la voiture du brave Hongrois, et je fus reçue par sa femme avec une bonne grâce vraiment touchante.

J’avalai le café au lait avec l’épaisse crème ; et pendant ce déjeuner, ayant dit qui j’étais, ce que j’étais, et où j’allais, à cette aimable femme, elle m’apprit que son père était un grand fabricant de drap originaire de la Bohême et grand ami de mon père.

Elle me conduisit dans la chambre préparée pour moi ; elle me fît coucher et me dit que, pendant mon