Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/190

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le regardaient, pleins de regrets. « Ne pleurez pas, ma chère enfant, ne pleurez pas. Voyons, comment allons-nous réparer toutes ces folies ? »

Il resta un instant silencieux, puis, ouvrant un tiroir, il y prit une lettre : « Voici qui peut-être va nous sauver », dit-il. C’était une lettre de Duquesnel qui venait d’être nommé directeur de l’Odéon on association avec Chilly. « On me demande des jeunes artistes pour renouveler la troupe de l'Odéon. Eh bien, nous allons nous occuper de cela. »

Et se levant, il me reconduisit jusqu’à la porte en me disant : « Et nous réussirons. »

Rentrée à la maison, je repassai tous mes rôles de Racine. J’attendis, anxieuse, plusieurs jours, calmée par Mme Guérard qui me redonnait confiance. Enfin je reçus un mot et me rendis de suite au ministère.

Camille Doucet me reçut rayonnant.

« C’est fait ! me dit-il. Oh ! mais pas sans mal. Vous êtes bien jeune, mais déjà bien célèbre par votre mauvaise tête. Seulement, j’ai engagé ma parole que vous seriez douce comme un petit agneau. — Oui, je serai douce, je vous le promets, lui dis-je, ne fût-ce que par reconnaissance. Mais que dois-je faire ? — Voici, me dit-il, une lettre pour Félix Duquesnel ; il vous attend. »

Je remerciai mille fois Camille Doucet, qui me dit : « Je vous reverrai d’une façon moins officielle, chez votre tante, jeudi. J’ai reçu ce matin une invitation à dîner. Vous me raconterez alors ce que vous aura dit Duquesnel. »

Il était dix heures et demie du matin. Je rentrai me faire belle. Je mis une robe jaune-serin dont le dessus