Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/211

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sentis mal à l'aise près d’elle, malgré sa bonne grâce et sa bienveillance.

Quand Agar fut arrivée et présentée, l’impératrice nous fit conduire dans le grand salon où devait avoir lieu la représentation.

Les mesures furent prises pour l’estrade. Puis, il fallait l’escalier sur lequel Agar posait en courtisane découragée qui maudit l’amour vénal et souhaite l’amour idéal. C’était toute une affaire, cet escalier.

Il fallait dissimuler la naissance des trois marches qui figuraient le monumental escalier d’un palais florentin. Je demandai des arbustes, des plantes fleuries, et je disposai le tout, le long des trois marches.

Le prince impérial, qui était arrivé et qui avait alors treize ans, m’aida à ranger les plantes. Il riait comme un fou quand Agar montait sur les marches pour essayer l’effet.

Il était délicieux, ce jeune prince, avec ses yeux magnifiques, aux lourdes paupières comme sa mère et aux longs cils comme son père.

Il était spirituel comme l’empereur, cet empereur qu’on avait surnommé « Louis l’imbécile » et qui avait certainement l’esprit le plus fin, le plus subtil, et en même temps le plus généreux.

Nous arrangeâmes tout pour le mieux. Et il fut décidé que nous reviendrions deux jours après, pour une répétition devant Leurs Majestés. Avec quelle grâce le prince impérial demanda d’assister à cette répétition !... ce qui, du reste, lui fut accordé.

L’impératrice nous dit au revoir d’une façon charmante, mais avec une bien vilaine voix, et elle ordonna aux deux dames qui l’accompagnaient de nous faire