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La première du Sphinx fut un triomphe pour Croizette et moi.

Les deux clans s’échauffaient à qui mieux mieux, ce qui doublait notre succès et nous amusait beaucoup, car Croizette a toujours été une délicieuse amie et une camarade loyale. Elle travaillait pour elle, mais jamais contre personne.

Après Le Sphinx, je jouai une jolie pièce en un acte d’un jeune élève de l’École polytechnique, Louis Denayrouse, La Belle Paule. Ce jeune auteur est devenu un savant remarquable et a renoncé à la poésie.

J’avais prié Perrin de me donner un congé d’un mois, mais il s’y refusa énergiquement et me fit répéter Zaïre pendant les pénibles mois de juin et juillet, et annonça, malgré moi, la première pour le 6 août. Il faisait cette année-là une chaleur effroyable dans Paris. Je crois que Perrin, ne pouvant me dompter, avait, sans mauvaise intention réelle, mais par pure autocratie, le désir de me dompter morte.

Le docteur Parrot était allé le trouver, lui disant que mon état de faiblesse était si grand qu’il y avait danger à me faire jouer pendant les grandes chaleurs. Il no voulut rien entendre. Alors, moi, furieuse de l’entêtement féroce de ce bourgeois intellectuel, je me jurai de jouer à en mourir.

Il m’est arrivé souvent, étant enfant, de vouloir me tuer pour embêter les autres. Je me souviens même avoir avalé le contenu d’un grand encrier, après une panade avalée de force devant maman qui s’était imaginée que les panades étaient nécessaires à ma santé. Notre bonne lui avait dévoilé mon horreur des panades, ajoutant que chaque matin la panade allait dans le seau de toilette.