Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/429

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lon à moitié dégonflé laissait pendre en fripe toute, sa base. C’était fort laid.

Nous atterrissions doucement, sans le petit traînage que j’espérais, sans le petit drame que j’avais rêvé. Une pluie torrentielle accueillit notre descente.

Un jeune propriétaire d’un château voisin accourut comme les paysans, pour voir. Il m’offrit son parapluie. « Oh ! Monsieur, je suis si mince que je ne peux me mouiller, je passe entre les gouttes. » Le mot fut répété et fit fortune.

« A quelle heure le train ? s’informa Clairin. — Oh ! vous avez le temps, répondit d’une voix gommée et lourde un nouveau venu : Vous ne pouvez prendre que le train de dix heures, la gare étant à une heure d’ici ; et comme il n’y a pas de voiture, avec le temps, il faudra deux heures de marche à Madame. »

Je restai confondue et cherchai du regard le jeune propriétaire, et son parapluie pour me servir de canne, ni Clairin ni Godard n’en avaient emporté. Mais, comme je l’accusais dans mon for intérieur, il sauta lestement d’une voiture que je n’avais pas entendu venir. « Voilà, me dit-il, une voiture pour vous et ces messieurs, et une autre pour le cadavre de l’aérostat. — Ma foi, vous nous sauvez ! dit Clairin en lui serrant la main, car il paraît que les chemins sont défoncés. — Oh ! s’écria le jeune homme, il eût été impossible à des pieds de Parisienne de faire seulement la moitié de la route. » Puis, il nous salua, nous souhaitant bon voyage.

Un peu plus d’une heure après, nous arrivions à la gare d’Émerainville. Le chef de gare, apprenant qui nous étions, nous reçut fort aimablement. Il s’excusa de n’avoir pas su se faire entendre quand nous l’avions