Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/450

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les autres. J’adore recevoir des lettres, les lire, les commenter, je déteste en écrire. Je déteste les promenades fréquentées, j’adore les routes désertes, les endroits solitaires. J’adore donner des conseils, je déteste en recevoir ; et je ne me rends jamais du premier coup à un conseil sage qu’on me donne. Il me faut un effort de volonté pour reconnaître la justesse d’un conseil, et un effort intellectuel pour en être reconnaissante ; je suis d’abord vexée.

Aussi, je ne tins aucun compte des conseils d’Hortense Damain ni de ceux de Jarrett ; et j’eus très grand tort, car je fis beaucoup de mécontents. Dans un autre pays, je me serais fait des ennemis.

À cette première visite à Londres, que de lettres d’invitation auxquelles je n’ai pas répondu ! Que de femmes charmantes auxquelles je n’ai pas rendu leur visite ! Que de fois, après avoir accepté un dîner, je n’y suis pas allée sans avertir. C’est odieux.

Et cependant, j’accepte toujours avec plaisir, me promettant d’être exacte ; mais, l’heure venue, une fatigue me prend, un besoin de rêver, de me soustraire à une obligation ; puis, quand je veux me décider — quand même, — l’heure est passée, c’est trop tard pour prévenir, trop tard pour y aller, et je reste mécontente de moi, des autres, de tout.