Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/460

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formellement. Il était arrivé par le bateau de quatre heures. Il me soignait depuis longtemps. Cependant, je me sentais bien mieux. La fièvre avait disparu. Je voulus me lever, Parrot s’y opposa.

On annonça le docteur Vintras et M. Mayer, l’imprésario de la Comédie-Française. M. Hollingshead, le directeur du Gaiety Théâtre, était en voiture, attendant pour savoir si je jouais, oui ou non, L’Étrangère, ainsi que l’affiche l’annonçait.

Je priai le docteur Parrot d’aller rejoindre le docteur Vintras dans le salon, et donnai l’ordre d’introduire M. Mayer dans ma chambre. Je lui dis très vite : « Je me sens mieux. Je suis très faible, mais je jouerai. Chut ! pas un mot ici, prévenez Hollingshead et attendez-moi dans le fumoir ; mais ne dites rien à personne. » Je me jetai à bas du lit. Je m’habillai en un clin d’œil, aidée de ma femme de chambre, qui avait deviné mon projet et qui s’en amusait follement.

Enveloppée dans mon manteau, une dentelle sur la tête, je m’en fus rejoindre Mayer dans le fumoir et montai avec lui dans son hansom-cab. « Viens me rejoindre dans une heure », chuchotai-je à ma camériste. Mayer, stupéfait, me dit : « Où allons-nous ? — Au théâtre ! vite, vite ! »

La voiture se mit en marche, et j’expliquai que si j’étais restée à la maison, jamais Parrot ni Vintras ne m’auraient laissée jouer. « Maintenant, ajoutai-je, le sort en est jeté, nous verrons bien ce qui arrivera. »

Au théâtre, je me cachai dans le cabinet directorial pour éviter la fureur du docteur Parrot, que j’adorais. Je sentais bien à quel point j’avais tort vis-à-vis de lui qui s’était si généreusement dérangé à mon premier appel ; mais je n’aurais jamais pu lui faire comprendre que je