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XXIX


La rentrée de la Comédie dans ses foyers devint un événement, mais un événement sournois. Notre départ de Paris avait été tapageur, gai, et public ; notre retour fut clandestin pour beaucoup : attristé pour les incompris, rageur pour les ratés.

Je n’étais pas à la maison depuis une heure, que notre administrateur Perrin me fut annoncé. Il commença doucement les reproches contre le peu de soin que je prenais de ma santé. Il me dit que je faisais trop de tapage autour de moi. « Mais, m’écriai-je, est-ce ma faute si je suis trop mince ! si j’ai trop de cheveux ! s’ils sont trop frisés ! et si je ne pense pas comme les autres ? Admettez que pendant un mois je prenne de l’arsenic à me faire gonfler comme un tonneau, que je me rase la tête comme un Arabe, et que je réponde oui à tout ce que vous dites : On dira que c’est pour faire de la réclame. — Mais, me répondit Perrin, mais, ma chère enfant, il y a des gens ni gras, ni maigres, ni rasés, ni chevelus, et qui répondent oui et non. »

Je restai pétrifiée par la justesse de ce raisonnement,