Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/504

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Par ces motifs, déclare Mlle Sarah Bernhardt déchue de tous les droits, privilèges et avantages résultant à son profit de l’engagement qu’elle a contracté avec la Société de la Comédie-Française par acte authentique du 24 mars 1875 ; la condamne à payer au demandeur, en la qualité qu’il s’agit, la somme de cent mille francs à titre de dommages et intérêts…

Je donnais ma dernière représentation à Londres le jour où les journaux annoncèrent cet injuste verdict. Je fus acclamée, et le public ne cessa de me jeter des fleurs.

J’avais amené avec moi comme artistes : Mme Devoyod, Mary Jullien, Kalb, ma sœur Jeanne, Pierre Berton, Train, Talbot, Dieudonné, tous artistes de valeur.

Je jouai tout le répertoire que je devais jouer en Amérique.

Vitu, Sarcey, Lapommeraye, avaient tant hurlé contre moi, que je restai stupéfaite en apprenant par Mayer leur arrivée à Londres pour assister à mes représentations. Je n’y compris plus rien. Je croyais fermement que les journalistes parisiens respiraient enfin, et voilà que mes plus acharnés ennemis traversaient la mer pour me voir et m’entendre. Maintenant, peut-être avaient-ils l’espoir de l’Anglais suivant le dompteur pour le voir manger par ses fauves.

Vitu, dans Le Figaro, avait terminé un article fulminant par ces mots :

Et puis, asseï, n’est-ce pas ! Assez parlé de Mademoiselle Sarah Bernhardt. Qu’elle aille porter aux étrangers sa voix monocorde et ses fantaisies macabres ! Pour nous, elle ne peut rien nous apprendre de nouveau sur son talent, sur ses caprices… etc., etc…