Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/541

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seul mot. Il me remit un paquet de dépêches. Je ne voyais personne, je n’entendais aucun son. Je voulais savoir. Et, parmi toutes ces dépêches, je cherchais, avant tout, une signature. Enfin, la voilà, cette dépêche attendue ! crainte ! espérée ! signée : Maurice ! La voilà ! Je fermai un instant les yeux, car en cette minute je vis tout ce qui m’était cher et j’en ressentis l’infinie douceur.

Je me trouvai un peu confuse en ouvrant les yeux. J’étais entourée d’une foule inconnue, silencieuse et bienveillante, mais très curieuse. Voulant me dégager, je pris le bras de Jarrett et me fis conduire au salon.

Au moment où je franchissais la porte, La Marseillaise éclata, et notre consul me dit quelques mots de bienvenue en me remettant des fleurs.

Un groupe représentant la colonie française me remit un aimable placet. Puis, M. Mercier, rédacteur en chef du Courrier des États-Unis me fit un speech dans lequel l’esprit et le cœur se disputaient la palme, un speech très français. Puis vint le moment terrible des présentations.

Oh ! quelle heure fatigante ! L’esprit tendu pour comprendre les noms !... Pemberst... « Madame, aspirez l’H, Harthtem... » Je m’accrochais avec peine à la première syllabe et la seconde finissait dans un fouillis de voyelles absorbées ou de consonnes sifflantes... Au vingtième nom, je n’écoutais plus, je faisais simplement marcher mon petit risorius de Santorini, je plissais mon œil, je tendais mécaniquement le bras au bout duquel se trouvait la main qui serrait et était serrée, je répondais : « Combien je suis charmée. — Madame... — Oh ! certainement... Oh ! oui... Oh ! non... Ah !... Ah !... Oh !... Oh !... » Je devenais ahurie, idiote, éreintée d’être