Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/573

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leur cœur se dépensent en intellectualité : elles adorent la musique, elles adorent le théâtre, la littérature, la peinture, la poésie. Elles savent tout, comprennent tout, restent chastes et réservées, ne rient jamais très fort, ne parlent jamais très haut. Elles sont aussi éloignées de la race latine que le pôle nord l’est du pôle sud ; mais elles sont intéressantes, délicieuses et captivantes.

C’est donc avec le cœur un peu gros que je quittai Boston pour me rendre à New-Haven.

Quelle ne fut pas ma surprise, en arrivant à l’hôtel à New-Haven, d’y trouver Henri Smith, l’homme à la baleine. « Ah ! mon Dieu ! m’écriai-je en me jetant dans un fauteuil. Que me veut-encore cet homme ? » Je ne tardai pas à le savoir. Un tapage infernal de cuivres, tambours, trompettes (et casseroles, je crois), m’attira à la fenêtre ; et je vis une immense voiture entourée d’une escouade de nègres en minstrels et, sur cette voiture, une affiche abominable, coloriée, monstrueuse, me représentant debout sur la baleine qui se défendait, et lui déchirant le fanon. Des hommes suivaient, portant des sandwiches sur lesquelles était écrit :


VENEZ VOIR

L’énorme Cétacé que Sarah BernhardL
a tué en lui arrachant
des baleines pour ses corsets
qui son’t faits par Madame Lily Noë
qui demeure... etc. etc..
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