Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
au large de l’écueil

ble église. Le clocher de Saint-Michel, élancé, flamboyant, paraissait répandre des flots de lumière sur le plus charmant des villages, et, un peu plus loin, sur la hauteur, la flèche de Notre-Dame de Lourdes pointait vers le ciel. On apercevait, à l’arrière, la forme bleue, légèrement indécise de la Grosse-Île et celle de l’Île aux Grues, les rochers menaçants des Îlets de Bellechasse, la presqu’île élégante de Saint-Valier, la demeure solitaire tapie dans un nid de verdure de l’Île Madame. Le transatlantique se hâte vers Québec ; les rivages, toujours plus près l’un de l’autre, semblent se diriger vers un rendez-vous. Au loin, quelques voiles attendent la brise. Le pilote songe, avec une étrange volupté, que la machine frémissante est docile à ses ordres. On dirait que le quartier-maître, dont les yeux reflètent l’infini des mers, poursuit un rêve.

Seuls témoins du mystère que laissait entrevoir le visage hâlé de l’homme à la roue, deux passagers s’arrêtèrent, un moment, émus, silencieux, fascinés. Ce colosse revivait-il ses naufrages d’autrefois ? Son imagination le transportait peut-être aux terres lointaines. La vision du village natal lui souriait-elle à travers