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au large de l’écueil

— Vous me pardonnez la superstition comme je vous pardonnai l’athéisme…

— Voulez-vous dire que, si je n’étais pas libre-penseuse, je ne serais pas votre amie ?…

— Vous avez plus de logique que vous ne le prétendez… Pour moi ou contre moi, vous deviez l’être : peut-on ne pas vous admirer ?… Il n’y a pas de plus grands amis que ceux qui le sont malgré tout, dont la souffrance à lutter l’un contre l’autre n’a pu ravir les âmes l’une à l’autre…

— Vous avez donc souffert de nos antagonismes profonds ?…

— À la veille de votre départ, Mademoiselle, j’en souffre plus que jamais…

— Je sais, moi, que j’en ai souffert plus que vous encore… C’est moi qui ai cédé constamment, qui ai sans cesse mis bas les armes, incliné la tête sous l’inflexibilité de votre foi… Rien de vous-même n’a lâché prise, tandis que, par vous, j’ai connu les affres du doute…

— Est-ce bien vrai ? s’écrie Jules, qu’une espérance affole. Vous avez été ébranlée, vous n’êtes plus aussi certaine, vous commencez à entrevoir qu’il peut y avoir autre chose que la ma-