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au large de l’écueil

— Il le fera, il le faut… Luttez, Monsieur Hébert !…

— Vous n’avez pas répondu, Mademoiselle… Vous aimez le Canada-Français, dites-vous… Voulez-vous qu’il périsse en perdant sa foi ? Aiderez-vous votre père à l’écraser ?…

— Non, Monsieur, aussi longtemps que je vivrai, dit-elle, confuse.

— Aurez-vous le secret espoir que l’athéisme ici triomphe ?

— Je veux que Jules Hébert demeure Canadien-Français ! cria-t-elle, avec passion.

— Merci, Mademoiselle…

L’aveu d’amour frémit au bord de leurs cœurs gonflés. Ils n’en peuvent plus de lutte et de ruse contre eux-mêmes. Leurs âmes sont tendues, sur le point de se rompre. L’image de Greuze rêve si près du jeune homme, qu’il y pourrait poser ses lèvres. Il évoque la promesse qu’il a faite au Christ de sa race et des siens, à Jeanne prophétique. Toutes les forces qu’il appelle au secours se rangent en bataille dans son imagination au désarroi, mais la vague d’amour avance au fond de lui-même, menace de tout renverser devant elle.