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au large de l’écueil

appels, mais c’est notre ruine qu’ils annoncent à grande volée, c’est nous qu’ils bravent dans leur insolence, et tout-à-l’heure, on aurait dit, vraiment, qu’ils se donnaient le mot pour me lancer leurs sarcasmes à la figure !… Je connais les émotions poétiques, moi-même… Eh bien, ces cloches, je les hais, je les méprise, je donnerais mon sang pour les voir toutes joncher le sol, en morceaux, vaincues, muettes à jamais !… Je la condamne, ma fille, ta poésie qui s’attendrit jusque-là !…

— Pourquoi ne pas les aimer comme reliques d’art ?… N’est-il pas inspirant de voir les clochers escalader l’azur ou rester debout quand la tempête gronde autour d’eux ?… Ils me parlent de choses douces, ils devraient vous émouvoir comme symbole de l’âme humaine qui s’élève, aspire vers l’idéal et défie les ouragans de l’existence !…

— Mais tu sais bien qu’ils sont l’emblême de la foi exécrable de ces gens-là !… Aussi longtemps qu’ils seront debout, fiers, arrogants, despotiques, on les aimera !… En avoir pitié, c’est reculer indéfiniment le règne béni de la Libre-Pensée !… Non, il faut leur trancher la tête,