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au large de l’écueil

— J’ai failli ne pas vous revoir !… Oh ! le chagrin de vous perdre sans l’adieu dont j’avais hier le besoin exaspérant !… Que je vous remercie d’avoir eu pitié de moi !…

— Et croyez-vous que je n’eus pas pitié de moi-même ?… Quand je l’ai su implacable, j’ai pleuré…

— Vous avez pleuré ! interrompit le Canadien, frémissant. Pour moi, vous avez pleuré !… Pour moi, vous souffrez !… Mais c’est affreux, cela !… Et moi qui vous désire tant de bonheur !… Je ne puis supporter votre chagrin, dites-moi qu’il s’agit de votre âme sensible que les départs bouleversent toujours, quand vous abandonnez les lieux que vous aimez !… Oui, ce n’est pas pour moi que vous souffrez jusqu’aux sanglots, je ne mérite pas cela !…

— Plus vous vous en croyez indigne, plus je suis heureuse d’être malheureuse !… Il n’y a que les femmes qui sachent bien ce qu’un homme vaut dans leur âme !

— Votre accent me transporte !… Je ne voulais pas vous dire la chose profonde et sainte au plus intime de moi-même… Dieu sait combien souvent j’ai refoulé cet aveu que je devais taire…