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au large de l’écueil

— Pourquoi vous insurger ? dit-elle, se hâtant d’éluder la question angoissante. Demain, vous serez accaparé par la besogne virile, enthousiasmé par votre beau rêve de patriote… L’âme canadienne vous sourit, attend de vous des choses magnifiques !… Le labeur engourdira votre peine !… En avant, pour la patrie !… Il faut, moi, que je retourne à mon père… Il a tant de chagrin, depuis qu’il sait mon amour… Peu s’en est fallu qu’il ne m’accuse de trahison… Il faut que je lui fasse oublier… Je suis la joie lumineuse de sa vie, la femme en qui s’incarnent tout son rêve de foi humanitaire et tout son orgueil de libre-penseur !… Si Dieu me prenait à lui, je lui verserais du poison dans l’âme… Oui, je dois aller à lui, je l’entourerai comme toujours de calme et d’adoration… Il a besoin de ma croyance en lui… Allez servir la patrie canadienne, j’irai servir mon père, et nous souffrirons moins, nous aimant mieux de nous aimer sans espoir.

— Que c’est dur !… Nous aurions été si heureux !…

— Oh ! que je vous aime, au moment même où je dois vous sacrifier à mon père !… Mon amour