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au large de l’écueil

— Je le voudrais bien, mon père, mais, en ce moment, tout mon voyage se résume en un seul bonheur, celui de vous revoir tous. La vision des mois que je viens de vivre est confuse, et je ne vois plus que vos chers visages, je n’entends plus que la musique de vos voix, je ne sens plus que le renoûment d’amitié avec les choses bénies du foyer… Les souvenirs de cet appartement me reviennent avec tout leur charme… Il n’y a rien de changé dans le sanctuaire de vos livres canadiens, mon père… Ils y sont bien tous, vos amis reliés, vos manuscrits fidèles !… Je sens que tout m’accueille ici…

— Tu as raison, mon fils, ils sont tous heureux de ton retour ! fit Augustin, que l’allusion délicate de Jules avait ému. Il nous arriva souvent, à mes chers livres et à moi, d’interrompre nos entretiens, pour ne plus songer qu’à toi !…

— Cela ne m’étonne pas, mon cher père, ils gardent, en leurs feuillets, une si bonne partie de vous-même !… À dire vrai, l’impression la plus vive que je rapporte est bien celle qui m’assaillit, lorsque je me trouvai soudain en face de Belle-Isle, vers dix heures, le soir. La lumière du phare venait de nous atteindre. Un frisson me saisit,