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au large de l’écueil

— Le clocher normand de Saint-Sauveur ! Oh, si vous saviez quelle vaillante masse populaire s’entasse en cette église ! À certains jours, des milliers d’ouvriers, l’âme ardente sous la blouse noble, entonnent le cantique de leurs milliers de poitrines frémissantes, font mugir la sourde rumeur de leur prière colossale à l’Hostie baignant dans les lumières. Si vous les voyiez, si vous les entendiez, vous seriez touchée jusqu’aux larmes !…

— Je veux les voir, les entendre ! dit-elle, vibrante.

— À gauche, à droite, depuis la falaise jusqu’à la rivière Saint-Charles, les toits par centaines abritent le foyer des travailleurs. Pendant que les panaches noirs s’élèvent des cheminées longues, que les mains durcissent, que les chairs fondent et que les visages pâlissent au son des machines qui ronflent, les femmes surveillent le bouillon du soir… Entendez-vous monter jusqu’à nous la vague des héroïsmes et des sublimes dévoûments ?…

— J’entends aussi les soupirs las de la petite ouvrière qui, dans l’usine fétide, besogne tout le jour et dont le front se fane trop vite, alors que