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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/127

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s’irritaient. À plusieurs reprises, une exaspération mauvaise lui faisait bouillonner le sang à la tête. Les enthousiasmes du soir brûlaient encore ses veines : Lucien jasait, cynique, désinvolte, étalait les replis de son âme. Et plus l’intelligence de Jean les fouilla de son analyse perçante, au fur et à mesure qu’ils se montraient, plus elle a mesuré combien était large et profond l’égoïsme de cet homme… Il raille, il outrage, il nie. Inutile de lui demander pourquoi, il va bredouiller, parce qu’il ne le sait pas. A-t-il réfléchi ? Il ne pense qu’après avoir entendu ce que les remous de l’opinion lui bourdonnèrent à l’oreille. Que faut-il dire, aujourd’hui, pour être distingué ? Que ne faut-il pas dire, surtout, pour n’être pas sot et provincial ? Tel principe d’avant-garde, après les avoir longtemps effarouchés, apprivoise les esprits : Lucien Desloges l’affirme alors tapageusement, non parce qu’il y croit, mais parce que c’est un titre à l’excellence, au raffinement. Le Saint-Jean-Baptisme est en disgrâce, croit-il : il ne se rend pas compte lui-même de ce qu’est le Saint-Jean-Baptisme. Autour de lui, on prétend qu’il est retardataire et grotesque : la vision brumeuse d’une chose vétuste et démodée lui suffit, il crible la Saint-Jean-Baptiste d’épigrammes. Il n’a jamais eu la conception nette du mot tradition, il ne s’occupera jamais de l’avoir ; il voit