Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/156

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harmonieux d’histoire : au lieu de lui traverser l’âme à peu près vides, ils y demeuraient gonflés de passé. Ensevelis en la mémoire de Jean depuis le collège, les faits grandioses, aussi bien que ceux plus humbles d’autrefois, ressuscitèrent. La nature se parait de souvenirs. À les voir surgir des alentours, en un frisson de lumière et de couleurs, il retrouva l’âpre griserie que les Plaines d’Abraham, la veille, lui avaient apprise. Ce n’était plus la campagne seule, décor de fraîches verdures et séjour des vents bénis, mais la campagne de « chez nous », la campagne de son Canada. Les maisons n’offraient pas toujours le plus gracieux visage : la poésie du terroir les enjolivait. Sous les chapeaux de paille à grandes ailes tranquilles et les corsages lourds, des âmes canadiennes-françaises frémissaient : un battement de cœur ardent, vers elles, entraînait Jean. Il comprit subitement le mot du professeur qui lui avait expliqué la genèse du laurentien avec orgueil : « Ayez la fierté de votre sol, il est vieux comme le monde, il n’y en a pas d’autre comme lui ! » N’y avait-il pas, lui souriant plus doucement au milieu des autres fleurs, quelques-unes de celles qui ne fleurissent que le long des routes canadiennes ? Çà et là, des érables mollement berçaient leurs touffes que le soleil pointillait d’or : ils avaient la splendeur et la