Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/166

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fes de chevelure errent à l’aventure, voltigent. Sur la joue tuméfiée, le sillon des pleurs creuse une ligne grise. Le délire s’était pacifié : le souffle, des narines fébriles, jaillit sans violence. Comme elle a souffert, la femme clouée là par le chagrin ! Quel sanglot d’amour éclate de la forme immobile et la grandit !

Lucile regarde Jean comme s’il allait, d’un murmure, d’un geste, desserrer les griffes de la mort. Elle n’est pas naïve, elle a besoin de croire… Elle comprend la surprise du médecin, lui explique :

— Je n’ai pas eu le temps de l’éveiller, monsieur le docteur.

— Comme elle a mérité de dormir !

— Vous voyez que c’est à force de veilles, de peine ? dit-elle, le cœur soudain gonflé par l’accent profond du jeune homme.

— Elle en mourrait…

— S’il partait ? Ah oui ! s’écria-t-elle, impulsivement.

— Pauvre femme !

— Que vous êtes bon de la plaindre !

— Et vous aussi, je vous plains. Vous n’êtes plus la même depuis dimanche. Il y avait déjà beaucoup de fatigue sur votre visage : le voici plus faible, anémié par l’inquiétude. Prenez garde, il faut vous reposer.