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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

yeux clos ne bougent plus : la tête, comme désarticulée, s’affaisse. À l’épouvante, Laura intervient. Un effroi risible lui abêtit le visage : elle a la physionomie d’un animal traqué. Trop craintive pour envisager le maître, assuré qu’il est d’une humeur violente et prête à fondre sur elle, toute essoufflée, elle s’écrie :

— Tenez ! monsieur Fontaine, le voici, votre journal !

Le maître est arraché des limbes du sommeil par un tressaut des nerfs. Deux ou trois secondes, son esprit flotte dans un crépuscule où il vire et tourbillonne. Puis, la réalité l’empoigne avec la sensation du rêve brutalement déchiré.

— Allons ! qui est-ce qui me réveille, là ? C’était pourtant bien facile de voir que je dormais !

Laura est secouée d’un tressaillement, bredouille plutôt qu’elle ne se justifie :

— Pardon… monsieur… je ne m’en étais pas aperçue. Je vous… croyais… fâché parce que… que j’ai encore… oublié de vous placer votre journal… Alors, oui, je n’osais pas trop regarder… ça me fait bien de la peine, monsieur, je vous l’assure…

— Comment, c’est toi ? J’aurais dû m’en douter, pourtant… Est-ce que tu en fais d’autres ? Des gaffes ! des gaffes ! Tu en déjeûnes, tu en soupes,