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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

Comme il est facile de caricaturer, comme il l’est moins de comprendre et d’être pitoyable ! Une pareille infatuation de lui-même le rendait-elle si grotesque ? Sans doute, il a conscience d’une force en lui lâchée, roulant comme une avalanche que rien ne brise. Et de se ressouvenir qu’il est, pour ainsi dire, le créateur d’un lui-même puissant, qu’il en est comptable à sa bravoure et à la vigueur de ses méninges, une volupté d’orgueil l’embrase. Il hausse la tête alors, irrépressiblement, de très loin glissant un regard par les yeux supérieurs, une moue de vanité lui tordant les lèvres. Le succès lui coule dans les veines, le frappe aux tempes, si identifiés l’un en l’autre que la mort seule dissoudra leurs liens. Bien que sa nature première se soit élargie sous l’impulsion d’influences innées, par le développement naturel, irrésistible, logique de ces influences, par leurs abondants résultats, qu’il soit incapable de refouler la joie, elle-même une force déchaînée, de se sentir le conquérant de sa destinée, le maître de son avenir, en est-il aussi méprisable et coupable ? On n’a jamais reproché au torrent d’être lui-même et de passer royal. Il est des « hommes-torrents » dont la volonté débordante ne leur permet plus que d’être violemment eux-mêmes et de s’affirmer !…

Est-il étonnant qu’une émotion douce l’enivre