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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

riche et l’inférieur de la race ? À ce foyer de gens simples, elle vibrait puissamment, la race canadienne-française, d’amour, de constance et, au besoin, d’héroïsme. Les meubles d’autrefois, la couchette à panneaux sévère et fruste, la commode trapue aux poignées de cuivre défloré, le sofa de bois lisse et lugubre s’animaient d’une vie grave, probablement celle des traditions autour d’eux flottantes. Les « catalognes » gaies, mouchetées de rousseur et de brun, nettoyées, fraîches comme un visage de mariée, souriaient aux vieilles coutumes du pays. Du même front lacéré d’épines, du même cœur déversant l’amour à gouttes rouges, du même sourire lourd de compassion infinie, Jésus en croix s’inclinait vers Germaine et Lucile, vers les générations l’une en l’autre ramifiées pour que survive, plus noueuse toujours et plus enracinée, la race qu’Il aime. Ce désespoir de l’épouse, pantelante, couchée pour mourir, attestait l’amour sur lequel sont campées les familles qui valent. Et Lucile, lasse de bravoure, ne méritait-elle pas l’admiration, le respect, le souvenir ? N’eussent-ils donné à leur race qu’elle, jeune fille pure et ferme, délicate et tenace, prête à recommencer avec un compagnon digne leur tâche de modestie et de grandeur, l’ouvrier et sa compagne auraient été nécessaires. Ah ! si, de chaque famille, surgissait un être