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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

plaines d’Abraham lui dévoilèrent leurs sens profond, fécondèrent son instinct de patriote ! Qu’il a levé rapide sa tige et gonflé vite ses racines aux profondeurs de l’être, l’instinct jusqu’alors sans chaleur pour vivre ! Jean peu à peu se taille, se forme une conviction de Canadien-français. Quelque peu adhérents que soient au reste certains éléments moins précis de cette conviction, elle fait croître en lui la fierté du sang, un espoir qui se précise et se fortifie. Les réunions du Congrès, attisant sa ferveur, l’initient au culte large, raisonné de la race. De jour en jour, la nature canadienne, à ses yeux qui la découvrent, s’épanouit plus belle, riche d’ancien mystère et de fraternelle douceur : il a comme une illusion d’avoir jusque là foulé un cimetière où, pour l’attendrir et l’élever, de grands souvenirs tout à coup s’éveillent et lui parlent…

Un désir souvent l’obsède : il veut se définir un rôle par lequel il servira, il aura fait quelque chose de stable pour amollir l’égoïsme de ses compatriotes. Hélas ! n’est-il pas enlisé lui-même dans l’égoïsme ? Il retombe, épuisé d’énervement stérile, aux prises du doute, au gouffre de soi-même veule et repu. D’autres essaient de tarir l’indifférence : on leur préfère les démolisseurs à grands cris de haine. Que peut-il faire ? À quoi bon ces élans de nervosité ? Ah ! qu’il est