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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

meilleur endroit que la salle à fumer, plutôt resserrée, d’accueil simple et dont le silence murmurait au jeune homme des choses calmes et fidèles. Il attendait le moment, le mot, le geste, le sourire qui attire l’effusion. L’entretien ne courait-il pas vers les problèmes graves ? La désertion de Dieu n’allait-elle pas toucher Gaspard ? Ce n’était pas, à coup sûr, un truc pour le disposer au projet du laboratoire : Jean devinait que, par l’idée même, la vanité de son père serait comblée. Tout bonnement, la causerie avait pris le tournant vers Dieu. L’apathie de Gaspard, au lieu de la tristesse espérée de lui, fut douloureuse à son fils, lui arracha du cœur une révolte qu’à temps il refoula. Il n’avait pas le droit de châtier lui-même, de flageller son père. Une muraille de respect inviolé se dressa entre lui et l’accusation. « Ah ! tas d’égoïstes que nous sommes ! » allait-il s’exclamer, dur et mordant. Exaspération logique, née de tout le bouleversement de l’âme par les enthousiasmes, les impulsions généreuses, les incertitudes, les découragements, les remords de ne pas vouloir, les retours d’ardeur. Il avait cru tout cela enfoui dans les limbes intérieurs d’où rien à la surface ne remonte, et tout cela avait rejailli d’un seul flot brutal. Qu’il le sent vaste en lui et qu’il s’y prolonge loin, ce cri de rébellion, de honte où crève un sanglot. Il ne souf-