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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

le prestige de l’honneur ou de l’or ; au lieu d’être un opprobre en leur esprit, l’obscurité de leurs parents n’est qu’un prolongement de gloriole et de suffisance. Les autres enfin, par une déformation lente, mais progressive de ce qu’il y a de plus intime en leur nature, ont la honte absolue de leur naissance et ne se la rappellent que pour en souffrir l’humiliation, presque la haine. Gaspard n’appartient ni à l’une ni aux autres pleinement, il a perdu la boussole à mi-chemin entre la dernière et les autres. Bien qu’il se soit égaré, une lueur de tendresse est en son cœur pour le diriger encore. Son père et sa mère, quand sa mémoire daigne en ranimer les visages un peu durs, amollissent quelques cellules au fond de ses entrailles : la moelle et le sang qui furent les leurs, il est conscient d’en être robuste. Mais comme il les a surpassés de tout l’envol de son désir et de toute la hauteur de son succès ! Décidément, ils furent contents avec trop de facilité, ils furent des miséreux, des mesquins, des incapables. Oh ! le précipice entre eux, les hères, et lui, le millionnaire auréolé ! Les sourires, volontiers ou de force, ne lui rendaient-ils pas hommage comme à un roi ? Des personnages d’élite ne l’honoraient-ils pas d’un tutoiement d’égal à égal ? Ne frayait-il pas avec les groupes les plus éclatants de la société québécoise ? Nulle associa-