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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

— Comment puis-je vous comprendre ? répond-elle, devinant obscurément l’habileté de l’objection rapide.

L’embarras saisit Jean au cerveau. La réponse à faire est longue à se débrouiller. La torture de la gêne s’avive. Il ne peut esquiver le sentiment dont il est poursuivi. Une certitude monte en lui : la jeune fille le charme et lui agite le cœur. Plus encore, ce soir, que d’autres jours où près d’elle il eut le plus vague de lui-même attendri, captif. Il ne redoutait pas l’amour, la possibilité d’adorer une ouvrière était chose inconcevable. Il admirait Lucile comme on s’attarde à un paysage devant lequel on ne se lasse pas de rêver : du paysage elle avait pour lui l’imprécise et fuyante beauté. Sans devenir nécessaire à la vie humaine, elle pénétrait son être d’horizons lointains et doux. Ils devinrent plus lointains et doux, ils s’approfondirent au cours des visites au malade. Le jeune homme, pendant les quatre semaines d’angoisses, alla fréquemment raviver l’espérance au foyer que glaçait l’ombre de la mort. Il y alla d’abord parce qu’une pitié l’embrasait pour cette famille vaillante, il ne songea bientôt qu’à réveiller au front nacré de Lucile une joie qui l’idéalisait. Qu’elle était resplendissante, alors, de vie chaleureuse et pure ! Le paysage en lui se précisait un peu,