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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

même poursuivi. N’y aurait-il pas inconvenance, indélicatesse en une pareille démarche ? Il eut l’intuition que peu de chose dirigerait la jeune fille vers l’amour… La peur d’être vaniteux fut sotte : Jean devint sûr que les yeux noirs commençaient à l’aimer… Une visite nouvelle gonflerait le sentiment prêt à déborder : il n’a pas revu Lucile, il craignait d’être cruel, de s’exposer à le devenir. Hier donc, il résolut de s’en tenir à l’adieu rigide et brusque. De s’y résoudre, une peine lui vint : au fond de lui-même, patiente, amère, étrangement suave, elle creusait… C’est elle, aujourd’hui, qui soudain violente et délicieuse l’a fait défaillir en présence de Lucile… « Comment puis-je vous comprendre ? » vient-elle d’interroger. Tremblante d’avoir été si hardie, elle n’essaye pas de lire sur le profil du jeune homme un blâme, une gêne ou de la stupeur. La statue de Laval hypnotise vaguement son regard : elle lui semble lointaine et pesante, l’effraye en quelque sorte. Alors que Jean se pose à lui-même la question infranchissable : « Comment puis-je me comprendre ? Comment la décision prise hier ne m’a-t-elle pas figé sur place ? Je ne me la suis pas même rappelée. Dès que j’ai aperçu Lucile, j’ai voulu courir vers elle, avant toute réflexion, de tout moi-même… et puis, j’ai reculé, mais la honte me pétri-