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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

— Ce serait l’occasion de me fâcher, monsieur Fontaine.

— Sournois… il faut se comprendre.

— Sournois sans être hypocrite… sournois franchement, n’est-ce pas ?

— Sournois gentiment, comme les jeunes filles ont l’art de l’être.

— Il n’y a plus moyen de me fâcher !

— Ainsi, vous ne m’en voulez plus ?

— De m’avoir oubliée pour Isabeau ? dit-elle, malicieuse. Ah non, je ne suis pas jalouse !

— Isabeau n’est pas formidable.

— Ah ! je ne sais pas… n’est-elle pas dangereuse, Isabeau, quand elle rend un jeune homme si distrait ?

— Vous supposez qu’il existe une Isabeau réelle ? demanda-t-il, en riant d’un cœur léger.

— Je n’ai pas le droit de savoir, pas même le droit de supposer…

Il allait dire : « Ne supposez rien, vous savez tout » ! Ne serait-il pas malhonnête d’affirmer ainsi la liberté de son cœur ? La crainte d’activer en elle une espérance que, de nouveau se contredisant encore, Jean pressentit vivante, le maintint silencieux. D’ailleurs, il fallait déserter le bateau : les commandements banals de l’accostage cinglaient l’air, le quai repoussa le flanc gauche d’un heurt violent. La masse des passa-