Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/381

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
370
CE QUE DISAIT LA FLAMME...

— Ta superstition ? C’est bien facile, tu n’as pas avancé ! Tu en es encore à l’idéal suranné, décrépit, oui, aux couples de tourtereaux ingénus que tous célèbrent avec une bienveillance moqueuse ! Puisqu’il faut te l’apprendre, sache que l’amour évolue à l’allure de tout le reste. Tout ce qui retarde, c’est de la superstition. Ma femme, une superstitieuse ? Quelle déception !

Il exagère, le sachant, mais avec moins d’outrance qu’il ne se l’imagine. Entre ces paroles et des convictions sûres, il y a fort peu de marge. S’il eût fallu, pour maintenir sa dignité de bel esprit, rejeter l’amour absolument, il s’y serait assujetti de bonne grâce. Pour l’instant, autre chose le sollicite : sa femme l’encombre de réprimandes et de gémissements, menace d’y recourir désormais. Il vaut mieux aussitôt, pour qu’elle ne s’habitue pas aux jérémiades, les couper dans leurs racines, à la première heure de leur vie. L’orgueil d’Yvonne ne suffira-t-il pas à les détruire ? Dès qu’elle sera convaincue de leur naïveté et de leur sottise, elle en rougira : n’est-elle pas sensible à l’accusation la plus ténue d’inconvenance mondaine ?

— Je suis une bigote de l’amour, je suppose ? s’écrie-t-elle, en effet, blessée.

— Comme tu le dis bien !