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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

était mystérieux, ce reniement d’une tendresse aussi loyale, aussi complète ! L’assurance d’avoir été malgré lui traîné par la vague irritée de l’opinion, ne le délivrait pas d’une souffrance qui l’oppressa lourdement : n’avait-il pas été faible et vil ? C’est d’un élan plus invincible, plus généreux, plus absolu qu’il se redonna… Des perspectives élargies ravirent son imagination, le firent tressaillir à l’aspect de leur sublime étendue. Jusqu’alors, l’égoïsme seul, une joie toujours plus infinie de retrouver le sourire et l’âme de Lucile Bertrand le poussait vers la jeune fille. Il essaya de le contenir, il fut débordé. Asservi de la sorte à l’amour, il ne retint guère une pensée qui lui sillonna la tête et qui aurait dû l’émouvoir : à se lancer contre les obstacles dressés entre lui et l’ouvrière, à détruire en lui les fibres d’une vanité mesquine, à ne pas arracher en poltron de sa vie le sentiment fort éclos au meilleur d’elle-même, ne s’attachait-il pas d’une pleine franchise, d’un lien réel à l’idéal de fraternité qui l’avait remué d’une ardeur intense ? N’avait-il pas failli se livrer au dédain contre le peuple, être complice de l’indifférence à l’égard des humbles, refuser son cœur à l’union canadienne-française ? Ne le fascinait-elle pas, ne le persuadait-elle pas tout entier, le jeune homme ardent et sincère, il y a quelques mois, la vision