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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/419

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décerne de l’estime. Il fallut toute la passion débordante et toute la supplication grave de Jean pour que, le soir où il réclama de lui une tentative énergique d’amour et de sacrifice, il obtînt de lui cet intérêt, cette émotion, ce penchant à se dévouer fugitif. S’il eût mieux vu l’âme de Gaspard, une adhésion aussi vague, même passagère, l’aurait confondu, émerveillé…

Il dura donc bien peu, l’acquiescement du père à l’idéal patriotique du fils. Dès le lendemain, celui-là révisait son assentiment superficiel, le discuta, le contremanda. Une espèce de honte le prit de ne pas l’avoir aussitôt refusé. Installé en sa chaise curule d’homme d’affaires, il s’étonna de lui-même presqu’avec douleur. Il était anormal qu’il se fût délecté d’un pareil sentimentalisme. Eh bien, oui, il avait failli parler, se compromettre, s’emballer, vouloir. Dieu merci ! il ne s’était pas mis en cette disgracieuse posture. Comme facteur de succès en des carrières spéciales, en politique surtout, le zèle patriotique avait de la décence. Que viendrait-il ajouter à sa veine, à sa richesse, le dévouement à la race ? Il en déduisit que ce serait accomplir une tâche risible. Un enthousiasme aussi candide ferait s’esclaffer l’opinion : cette peur n’aurait-elle pas suffi à paralyser en lui tout velléité d’un grand amour ?