Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/444

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par elle y domine avec absolutisme. Pourrait-il, d’ailleurs, sans la tendresse qu’il faudrait arracher de l’âme, garder le même courage et la même ambition devant l’avenir ? Il ne l’a jamais perçu aussi nettement ni aussi violemment senti qu’à la minute même, il aime Lucile de l’affection indicible, douce et forte, merveilleuse et vraie, qui pousse un homme à devenir le meilleur, le plus énergique et le plus noble qu’il puisse être. Déserterait-il à jamais l’épouse élue ? Oh ! la déchirure du cœur ! la tristesse effroyable ! la longue amertume ! la source d’aigreur et de faiblesse ! Il ne serait plus le même homme, il pressent qu’il aurait perdu la foi en l’amour… Or, il croit à l’amour, il veut y croire sans cesse. La grandiose vision d’amour, celle où la race grandit et s’auréole par le convergence des initiatives et des cœurs, l’illumine de nouveau, le fascine et le stimule. Ah ! que devant elle il est seul et chétif ! Mais qu’importe ? il ira droit au peuple, à l’âme des humbles, il saura, il parlera, il attendrira, il fécondera, il accroîtra la somme de vie et d’amour… Plus tard, quand son père aura tout compris, Jean n’aura-t-il pas fait l’apprentissage du dévouement et de la puissance ? Un tressaillement de joie, presque de délire, secoue le jeune homme. Il est en possession de la certitude qui l’affranchit du remords, sinon de la