Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/55

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et je le garde ! Il est plus précieux que des rêves d’ingénue !… Tu n’es qu’un sentimental ! Allons, chevalier qui retardes, avoue que je n’ai pas tort !…

— Le sentimental, voilà l’ennemi !… Ça ne vaut pas la peine de m’entendre, Yvonne, je ne suis qu’un sentimental, un ignorant de la vie, je n’ai pas le droit de vouloir ton bonheur ! C’est très bien, je ne parlerai pas… Aime-le, ton Lucien ! mais n’oublie pas que l’idéal se vengera. Je te le prédis sans colère, avec beaucoup de chagrin. Un instant, j’ai pensé que tu n’étais plus la même totalement. Je me trompais : il est des aspirations que rien ne peut faire mourir en l’être qui vécut d’elles un jour. Quoi que tu dises, elles sont encore là, dans ton cœur ! Lucien ne les comprendra pas, il les a en horreur, parce qu’elles le dépassent et qu’un vaniteux méprise tout ce qui lui est supérieur ! Tu l’aimeras d’un amour qu’il étouffera par des sarcasmes, et ce sera bien triste… Ou tu aimeras un autre homme, entre lequel et toi le devoir mettra sa grande ombre, et ce sera le martyre… Ou si tu n’aimes jamais, l’ennui finira par te miner l’âme comme la tuberculose ronge le corps ; et de toutes les vengeances de l’idéal, c’est la plus cruelle, parce qu’il vaut mieux souffrir qu’être las de vivre !… Ne m’écoute pas, ma petite Yvonne, je suis un