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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

ter notre irritable gamin, tout grêle et frêle alors. Puis, en bon sens et de bonne foi, peut-on voir dans ce geste lanceur de bouquin autre chose qu’une spontanée protestation de noblesse en face d’une vile délation, une révolte directement châtiant une basse et moucharde soumission ?

Sous son aspect taciturne et timide, c’est qu’il était, au contraire, d’une loyauté rare et d’une charité extrême envers ses camarades à l’esprit lourd. En classe de sciences, auxquelles il répugnait, on l’observa rythmant pour ses concurrents des vers latins sur le sujet de composition devant être par lui-même traité. Il Pendant que l’un de nous — écrit à MM. Bourguignon et Houin, M. Delahaut, devenu professeur au lycée de Laon — démontrait au tableau quelque théorème de géométrie, il vous bâclait en un rien de temps un certain nombre de pièces de vers latins. Chacun avait la sienne. Le titre était bien le même, mais la facture des vers, les idées, le développement étaient assez différents pour que le professeur ne pût y reconnaître la main du même ouvrier. C’était un véritable tour de force, vu le peu de temps qu’il y consacrait. Le fait se reproduisit assez souvent, je puis vous legarantir[1] ». Aussi, combien de ces jeunes gens

  1. Revue d’Ardennee et d’Argonne, fasc. cité.