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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

S’écoutent clapoter des barcarolles tristes ;
Et leurs caboches vont dans des roulis d’amour.

Oh, ne les faites pas lever ! C’est le naufrage…
Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,
Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage
Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

Et vous les écoutez cognant leurs têtes chauves
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d’habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l’œil du fond des corridors

Puis ils ont une main invisible qui tue.
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l’œil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,
Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever
Et, de l’aurore au soir, des grappes d’amygdales
Sous leurs mentons chétifs s’agitent à crever.

Quand l’austère sommeil a baissé leurs visières,
Ils rêvent sur leurs bras de sièges fécondés,
De vrais petits amours de chaises en lisières
Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;

Des fleurs d’encre crachant des pollens en virgules
Les bercent, le long des calices accroupis
Tels qu’au fil de glaïeuls le vol des libellules,
— Et leur membre s’agace à des barbes d’épis[1].

  1. Il serait instructif de rapprocher des Assis les Poèmes aristophanesques, d’ailleurs amusants, de M. Laurent Tailhade.