Page:Berrichon - La Vie de Jean-Arthur Rimbaud, 1897.djvu/129

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chiens jaunes à l’histoire connue. Bientôt arrivent à moitié morts les retardataires de la montagne. Le soir, on est une trentaine qu’on distribue, après la soupe, sur des paillasses dures et sous des couvertes insuffisantes. La nuit, on entend les hôtes exhaler en cantiques sacrés leur plaisir de voler un jour de plus les gouvernements qui subventionnent leur cahute.

Au matin, après le pain-fromage-goutte, raffermis par cette hospitalité gratuite qu’on peut prolonger aussi longtemps que la tempête le permet, on sort. Ce matin, au soleil, la montagne est merveilleuse : plus de vent, toute descente, par les traverses, avec des sauts, des dégringolades kilométriques, qui vous font arriver à Airolo, l’autre côté du tunnel, où la route reprend le caractère alpestre, circulaire et engorgé, mais descendant. C’est le Tessin.

La route est en neige jusqu’à plus de trente kilomètres du Gothard. A trente kilomètres seulement, à Giornico, la vallée s’élargit un peu. Quelques berceaux de vignes et quelques bouts de prés qu’on fume soigneusement avec des feuilles et autres détritus de sapin qui ont dû servir de litière. Sur la route défilent chèvres bœufs et vaches gris, cochons noirs. A Bellinzona il y a un fort marché de ces bestiaux. A Lugano, à vingt lieues du Gothard, on prend le train et on va de l’agréable lac