Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/108

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Comme fruits ou non moins au succés qu’en l’honneur,
Vostre vertu partage avec vostre fortune.
Mais soit que l’on souhaitte un prince valeureux,
Soit, qu’on le vueille juste, et d’un cœur genereux,
Soit prudent à regir le frein de son empire,
Soit clement, soit pieux, soit doux à commander,
Nous voyons en ces dons les autres vous ceder,
Et possedons en vous ce qu’en eux on desire.
Quel oeil n’eust pensé voir ce Cesar de nos roys,
Ce Charles trois fois grand, rendre és champs navarrois
Du sang des espagnols la campagne trempee ;
S’il vous eust veu de prés, le sanglant fer au poing,
Monstrer en maints combats, combien sert au besoing
À la juste querelle une vaillante espee ?
Certes vostre valeur bravant mille hazards,
Est parvenuë en fin sur les pas des Cesars,
Jusqu’où peut arriver une vaillance humaine :
Mais je la sens tousjours attrister mon penser,
Sçachant bien que pour voir vostre bras l’exercer,
Il nous faut estre en crainte, et vous faut estre en peine.
Aussi vostre clemence est-elle en plus grand prix :
L’une et l’autre vertu forçant bien nos esprits
À loüer les beaux faits dont leur gloire est feconde :
Mais les fruits n’en sont pas également communs :
L’une, ainsi qu’une foudre, attaignant quelques uns :
L’autre, comme un soleil, éclairant tout le monde.
Quand à vostre prudence, elle luist aux effects,
En ne chancelant point dessous un si grand faix
Comme est le faix royal qui charge vos espaules :
Ains avec un parler sage, attrayant, et doux,
Gaignant tout, charmant tout, et conjoignant en vous
À l’Hercule des grecs celuy mesme des gaules.