Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/135

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Ny les plus riches dons qu’en leurs bords on amasse,
Ne te manqueront point des princes plus fameux,
Qui de tous les thresors de l’empire écumeux,
Essay’ront d’acheter le thresor de ta grace.
Aussi brilleras-tu d’or et de diamans,
Comme le ciel de feux la nuit s’y rallumans,
Quand le serein de l’air en attise la flame :
Bien que quelque ornement qui te pare au dehors,
Au dedans soit ta gloire, au dedans tes thresors,
Estans mille vertus les perles de ton ame.
Souviens-toy qu’en triomphe et royal appareil,
Comme espouse d’un roy qui n’a point de pareil,
Tu luy fus amenee entre maintes princesses,
Qui mesme quand leur pompe honoroit ton convoy,
Ne sembloient en grandeur que femmes devant toy :
Bien qu’on les tienne ailleurs pour de grandes deesses.
Un aimable esquadron te suivoit pas à pas,
Qui s’armant de beautez, de graces, et d’appas,
Eust peu des plus vaillants emporter la victoire :
Mais de quelque sujet qu’il fust resté vainqueur,
Si le vaincu sans plus eust eu des yeux au cœur,
Jamais autre que toy n’en eust acquis la gloire.
Là, les dames d’honneur qui de pres t’approchoient
Là, tes filles encor en leur ordre marchoient ;
Beautez (n’eust esté toy) dignes lors de merveille.
Tout l’air retentissoit du gay son des haubois ;
Et de tous les costez, ou la veuë, ou la voix
Tiroit l’ame du corps par l’oeil, ou par l’oreille.
Entre tant d’allegresse, entre des bruits si doux,
Tu fus conduitte au temple és mains de ton espoux,
Afin qu’un sainct lien t’y privast de franchise :
Et là, pleine d’amour, de beautez et de foy,
Tu te donnas à luy, tu le ravis à soy ;
T’en trouvant conquerante, aussi bien que conquise.