Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/142

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Quel effect de valeur, quel mépris des dangers
Ce prince fit-il voir aux peuples estrangers
Sur la claire Charante és plaines saintongeoises,
Quand la marche rebelle et les forces angloises
Firent encontre luy, sous leurs fiers estendarts,
Marcher tant de forests de lances et de dards ?
La France et l’Angleterre au combat animees
Avoient sur la Saintonge épandu leurs armees :
D’icy les traits francois s’élancoient dedans l’air,
Et de là les anglois se hastoient de voler :
La Charante opposant, ainsi que deux barrieres,
Ses flots à la fureur de leurs bandes guerrieres.
Ce fleuve joint ses bords couronnez de rouzeaux
Par un pont cheminant au travers de ses eaux,
Dont la perte ou le gain sembloit, outre la gloire,
Promettre ou refuser le prix de la victoire.
L’anglois favorisé d’une superbe tour
Fierement regentant les plaines d’alentour
S’en estoit rendu maistre, et desja plein de joye
À la palme asseuree alloit par ceste voye :
Quand le roy le premier sur le pont s’eslancant,
Et d’un bras invaincu l’ennemy repoussant,
Surmonte en ce combat la memoire d’Horace :
De morts et de blessez pave toute la place :
Rend le courage aux siens de peur desja blesmis :
Arreste la victoire allant aux ennemis ;
Et comme si c’estoit une vive muraille
Soustient presque tout seul le faix de la bataille,
Servant d’unique butte à mille et mille traits
Que le combat luy lance et de loin et de prés,
Cependant que son camp imitant son courage
Gaigne avecques le fer le reste du passage.