Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/179

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Et de qui la vertu surmontant la fortune,
Ne trouva rien d’égal sous le rond de la lune,
Florirent deux guerriers sagement valeureux,
Et d’honneur et de gloire ardamment amoureux,
Dont l’un qui ne veit onc sa prudence trompee
Fut nommé leur bouclier, et l’autre leur espee.
Sire, ces beaux surnoms entre-eux deux departis,
Vous sont deuz des françois par vous seul garantis :
Vous estes l’un et l’autre à cet illustre empire :
Vous faites qu’il triomphe ayant fait qu’il respire :
Vous estes son espee au milieu des combats,
Quand vous jettez vainqueur ses ennemis à bas :
Vous estes son bouclier, lors que pour sa defense
Employant les effects de la seule prudence,
Vous voyez leur fureur arrivee à tel poinct,
Qu’il faut que pour les vaincre on ne combatte point.
Tandis que ceste espee aux conquestes apprise,
Tandis que ce bouclier, qui genereux mesprise
Les atteintes de Mars, nous armera les mains,
La victoire qui porte és combats inhumains
D’un pennage inconstant ses aisles emplumees,
N’estendra point son vol plus loin que nos armees :
Nous vaincrons ennemis, et fortune et destin :
Et foulant sous nos pieds le traistre et le mutin,
Nous verrons tous les jours nos camps s’emplir de proye,
Et devant nos palais flamber des feux de joye.
Heureux si ceste espee, heureux si ce bouclier
Avoit la dureté de cet antique acier,
Que jadis quelque nymphe endurcissoit par charmes,
Pour estre impenetrable aux atteintes des armes :
Nous n’aurions point le sang dans les veines glacé,
Quand des perils mortels le voyant menacé,
Nous sçaurions que sur luy la cruelle insolence
Des hazards de la guerre auroit tant de licence :